Pour en avoir voté la mise en application avec le reste des 32, Aodhan connaissait l'existence d'un enregistreur des conversations téléphonique du Siège. Le processus permettait de garder en mémoire toute une discussion si celle-ci comportait certains mots clefs et d'en signaler la position, le parlementaire avait cependant payé grassement l'un des concepteurs pour apporter au projet initial quelques compléments. Il était ainsi prévenu en premier lieu sur toute condition d'attentat contre U-Corp ou de sujet lié à une organisation criminelle -le Gang inclus-, l'enregistrement étant alors retardé de trois minutes avant son envoi à la police de sureté, conformément au but premier du logiciel de surveillance. Un décalage qui, s'il venait à être découvert, ne ferait l'objet que d'une mise à jour pour cause de bug informatique, il serait alors facile à Durham de graisser quelques pattes pour obtenir la réparation de l'erreur sans que le fond du détournement ne soit suspecté.

Lorsque son téléphone sonna, Aodhan leva l'index pour faire taire son assistant, aucun autre mot ne fut échangé et Alfred comprit qu'il devait quitter le bureau du parlementaire. Combiné sur l'oreille, ce-dernier écouta l'enregistrement et son air s'assombrit dès lors que les mots bombe et coupole furent prononcés dans la même phrase. Il n'était pas rare que certains plaisantins s'estiment un peu trop courageux à l'oral, mais les récents évènements poussèrent l'homme à une plus grande méfiance. L'appel était tracé jusqu'à un magasin alimentaire de la banlieue Est. Il faudrait un peu plus de quinze minutes à la police pour s'y rendre, plus les trois d'avance cela ne lui laissait même pas vingt minutes pour obtenir des informations avant leur arrivée. Il récupéra à toute vitesse quelques vêtements, un sac de sport et quitta son bureau en urgence. Croisant Alfred sur le chemin, il se contenta d'un ordre simple.

" Donnez mon numéro de portable à Mademoiselle India Lowe et dites lui de m'appeler le plus vite possible. " Le vieux Pennyworth s'exécuta sans poser une seule question. Après tout, son absence de curiosité était le pré-requis à son embauche auprès du parlementaire, et en cela, il remplissait son rôle à merveille.

Aodhan ne connaissait pas personnellement la jeune femme, tout ce qu'il avait pu apprendre sur elle se résumait aux deux rapports d'expertise reçus. Le premier, officiel, lui avait été fourni par U-Corp ; le parlementaire était connu pour s'intéresser aux nouvelles recrues de la police de sureté, alors une jeunette de vingt ans promue au rang de Lieutenant... difficile de passer à côté. Le second, officieux, venait de ses informateurs, ils avaient suivi India sur plusieurs jours et avaient noté une certaine faculté d'adaptation de sa part. Encore une fois, un trait intéressant qu'il lui était difficile d'ignorer. Mademoiselle Lowe avait le mérite d'intriguer Aodhan au point que leur première rencontre se fasse sur le thème d'une investigation discrète.

À bord de sa voiture, en direction de la banlieue Est, il décrocha l'appel d'India. " Mademoiselle Lowe ? Je suis Aodhan Durham, le parlementaire. Veuillez m'excuser pour cet entretien somme toute intriguant, mais nous faisons face à une situation d'urgence au regard de la sécurité de la Coupole et nécessitant la plus grande discrétion. Ne vous méprenez pas sur la qualité de vos confrères, sachez que je porte en haute estime leur travail tout comme leurs compétences, mais il m'a semblé plus adéquate de faire appel à votre... incomparable talent d'adaptation. " La circulation n'était pas si dense et il parvint à la destination en peu de temps. " Rejoignez-moi au magasin alimentaire du 32 rue des Bruants, à la banlieue Est. Et mademoiselle Lowe ? Venez armez ! Je ne suis pas encore sûr de ce que nous pourrions y trouver. " Un politique aux portes de l'action, Aodhan espérait que cela soit suffisant pour faire venir la jeune India, car seul, il se retrouvait dans une situation bien fâcheuse. " Faites vite ! " Le temps leur était compté.

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