A côté d’une des entrées du quartier souterrain, trois hommes patientaient. C’était sur un canapé en cuir d’une propreté qui n’avait rien à voir avec la laideur habituelle des égouts que Kurskov attendait son Baron. Depuis l’époque de son prédécesseur – à savoir son frère – ils n’étaient pas moins de cinq postes importants au sein du Gang « nouvelle génération ». Plus qu’une simple mafia, le groupe était devenu le groupe criminel le plus craint et réputé (ou redouté ?) de tout le Siège. Et son chef comptait bien faire perdurer cette situation…

A chaque extrémité du fameux canapé, deux gardes possédant des mitraillettes patientaient bien droits, et virent arriver l’invité de marque de leur employeur : le fameux Baron du Plaisir. Difficile d’imaginer d’ailleurs ce que Kurskov pourrait vouloir au chef du réseau de la prostitution. Mais quelque-chose dans l’atmosphère semblait indiquer que leur échange allait être… original.

« T’en as mis du temps, Lag. Comment t’vas, depuis le Centenaire ? »

Plutôt docile au premier abord, le Chef se ravisa rapidement.

« Laisse en fait, on n’est pas là pour parler d’ça. »

L’homme rondouillard caressa son costard et finit par en retirer une boite plate. En l’ouvrant il en dégagea un cigare plutôt épais, qu’il planta sans hésitation dans sa bouche. L’un de ses sbires vint lui allumer ce dernier sans qu’un mot ne soit prononcé. L’ambiance était d’ailleurs bien calme en l’absence de Katrina. Mais c’était souvent que la femme du chef se détachait de lui, ayant elle-même de nombreuses tâches – souvent sanglantes et peu plaisantes – à effectuer.

« T’as lu l’papier sur l’ingénieur de l’U-Corp qui s’est fait dégager ? Tiens ! »

Le second garde attrapa le numéro du Daily Siège et le donna à Lag et revint à sa place. S’il le souhaitait, le Baron avait quelques secondes pour lire la une du journal, pour se mettre à la page. Mais Kurskov reprit très vite.

« Un d’nos indics a vu ce Jonas Temper traîner dans un petit bar de la Banlieue Ouest. Ca s’appelle… « A la bonne coupe » si j’me souviens bien. Bref, j’te demande pas de répondre à toutes ces interrogations de merde de ce journal, je sais pourquoi il s’est fait virer, non… J’te demande de le buter. »

Il tira une grosse bouffée de tabac, et sans écarter son cigare de sa bouche, il laissa échapper un petit nuage de fumée bien opaque. Un regard vers l’un de ses hommes de main fit déplacer ce dernier. Il sortit un téléphone portable et jetable qu’il tendit au Baron.

« J’sais que c’est pas ta spécialité, mais l’un de nos gars a déposé un contrat et il a été accepté. Ce gars, quel qu’il soit, son numéro est dans ce téléphone. Appelle-le pour lui donner rendez-vous et ensemble, débarrassez-moi de ce matheux de merde sans faire d’histoire. Je saurai récompenser ta réussite, mais ça tu l’sais déjà. »

Spoiler:

Ce fut une surprise de savoir que j'étais convoqué par le chef suprême. Suite au centenaire du siège qui s'était magnifiquement terminé, si l'on passait le fait que je n'avais pas pu retrouver le tireur, je n'avais plus eu aucune nouvelle de la part de cet homme. D'une vitesse modérée, je sortis de la chaleur ambiante de mon quartier rouge pour me tourner vers l'un de ces multiples couloirs du monde souterrain. Au bout de celui-ci, je découvris Kurskov qui s'était pris à son aise, installé confortablement sur son canapé. Je lui adressai un gentil sourire, comme quoi j'étais heureux de le revoir. J'avais tout intérêt à me tenir à carreau et me montrer docile, notamment lorsque je croisai le regard de ses deux gardes du corps très lourdement armé..

" Eh bien, vous m'en voyez navré de mon retard. Je vais très bien ! Ce fut assez plaisant de rencontrer le président lui-même, mais notamment d'être au cœur de l'action lorsque la nouvelle éclata.. Mais, vous n'êtes pas venu pour seulement me parler du beau temps, mh ?"

J'étais tout à fait détendu et je parlais calmement comme à mon habitude. Il ne savait pas que je détenais la balle du tireur, il n'avait pas la possibilité de le savoir, j'en étais convaincu. Jusqu'à ce que je trouve une utilité à ce souvenir de la fête du nouvel an, je la garderais pour moi-même ! La fumée dégagée par sa cigarette parvint à effleurer mes narines, un délicat parfum de la marque Malborro reconnaissable entre milles, parmi toutes les autres marques concurrentes. Pour mon cas, je m'abstins de sortir les miennes au risque de polluer entièrement l'air à nous deux. Puis, le subalterne savait se tenir correctement face à son patron. J'attrapai le journal que me lança son serviteur et j'y jetai un vif regard sur la page de couverture, il s'agissait des nouvelles informations livrées ce matin même. J'avais tendance à me tenir au courant de ce qu'il se passait dans le monde extérieur, car le plus souvent, c'était par là qu'il se produisait les choses les plus amusantes..

" Oui, le tout nouveau journal. Pourquoi ? "

Était-il intrigué par cette petite nouvelle ? Il fallait s'y attendre, bientôt peut-être même qu'il s'agira du Président lui-même qui sera à la une du quotidien. J'avais encore du mal à voir où voulait-il en venir, mais peu à peu que j'avançais dans mes propres déductions, je commençais à deviner. Ses dernières paroles qui furent directes et simples étaient très claires pour exprimer son ordre. Il me demandait de tuer cet individu, une demande qui me plaisait bien, il s'agissait de l'occasion pour moi d'écraser une fourmi anciennement de l'U-corps. Puis, le voir gesticuler pourrait bien être amusant, une pensée qui me fit plutôt sourire.. Cependant, extérieurement, je savais contrôler ma joie pour ne pas perdre le contrôle de moi-même. Je pris ce portable qui se tendait à moi et je me contentai d'un simple mot en guise de réponse :

" Bien.. "

Avant de prendre congé pour repartir. Nullement besoin d'en dire plus, il savait que j'allais accomplir parfaitement ce travail qu'il m'avait confié. Sans plus attendre, je sortis de l'allée pour contacter cette fameuse personne qui allait me soutenir durant ma mission.

HRP: