Sur les cartons que les invités avaient pu recevoir, l’heure indiquée était 20h. Mais à 19h, des tas de journalistes étaient déjà en train de se préparer pour immortaliser ce qui promettait d’être le plus grand évènement historique depuis la création du Siège et la fin de la guerre. En effet, en plus de tous les invités de marque et les quelques rares privilégiés à avoir pu obtenir une invitation via un jeu spécial diffusé sur la chaîne DivertS toute la semaine, le nom de la soirée était éloquent. Tous allaient fêter le centenaire du Siège.

A l’intérieur, la réception était à la hauteur de l’évènement : buffets à volonté, champagne de qualité servi par de nombreux serveurs, musique classique jouée par un orchestre compétent et des invités qui pouvaient déjà voir l’estrade sur laquelle le Président parlerait probablement à minuit.

Pourtant, à vingt heures précises, c’est son Ministre George Biggle qui prit la parole. Tous les regards convergèrent vers l’homme qui représentait l’U-Corp et qui secondait fidèlement son PDG.

« Mesdames et messieurs, bonsoir. Je ne peux qu’être ravi de vous accueillir ici pour fêter un si bel évènement. Dans quatre heures, notre Président se tiendra à ma place pour vous parler du Siège, cette ville qui nous a sauvé de la guerre il y a déjà cent ans. »

Premiers applaudissements, que le Ministre avala d’un geste de main, un léger sourire aux lèvres.

« C’est justement ce souvenir que nous nous devons de préserver, celui d’un passé douloureux balayé par l’U-Corp et chacun d’entre nous. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvions fêter ces cent ans de paix. Alors durant ces quatre heures, buvons et levons nos verres à la paix ! Que le Siège nous protège ! »

Il leva une coupe de champagne qu’il s’était tenue de cacher derrière son pupitre. Et la plupart des invités déjà présents l’imitèrent et reprirent la devise. La soirée ne faisait alors que commencer…

« Hep toi ! »

Le serveur mit une seconde à se retourner, avant de porter son regard sur celle qui l’avait appelé. Sans même s’interroger, il se rapprocha de cette dernière et lui tendit son plateau. Sans même un remerciement ni sourire, elle attrapa deux apéritifs qu’elle s’enfila l’un après l’autre. Le serveur, pas spécialement choqué par l’arrogance ou le mépris de certaines personnes présentes à ce grand évènement, s’en alla poursuivre son service.

Leah Antamano soupira à nouveau. Tout ce monde, le « gratin » de l’U-Corp et du Siège ? Elle se doutait qu’en invitant ces centaines de gens, il y en avait pour tous les goûts. Mais elle ne pouvait s’empêcher de trouver ça ridicule. Elle qui connaissait l’ancien temps de par sa famille érudite, elle ne voyait pas la différence entre avant et maintenant. Tant d’hypocrisie et de faux-semblants autour d’un même buffet, pour célébrer un évènement certes heureux mais qui ne cachait que davantage d’histoires d’argent et de politique.

« Et je vous présente mademoiselle Antamano, elle est notre responsable du Protocole CL. »

Le Ministre et sans doute un invité de marque. Ou plutôt, un directeur d’une grande compagnie ? Son visage aurait eu beau lui revenir, Leah se serait montrée de la même façon : à peine intéressée et ne faisant que le strict minimum question courtoisie. Les discussions politiques avec des compliments à flots n’était pas son fort.

Non, elle était et avait toujours été une femme de caractère et aimant les choses concrètes. La science, le travail : voilà ce qu’elle aimait par-dessus tout. Et tout ce temps à perdre ici par obligation professionnelle, c’était du temps perdu. Ce qui expliqua qu’elle jette un coup d’œil à sa montre lorsque le Ministre et son ami l’eurent quittée.

« C’est pas vrai… »

Elle n’était pas encore prête de quitter la cérémonie. Sa montre numérique affichait 21h02.

« Tiens j’ai cru voir quelque-chose…
─ Bah alors Franck, tu fais du zèle maintenant ? Je ne pense pas qu’on aura d’autres invités, il est presque 23h. »

Etait-ce quelqu’un qui avait voulu contourner la garde pour pénétrer dans la Coupole ? Non, Franck en doutait fortement. Depuis qu’il travaillait ici, jamais une intrusion n’avait été faite. Pourtant, il avait vraiment cru voir quelqu’un là, pas loin de l’entrée, partir sur la droite. Mais lorsqu’il regarda la rue, il ne vit rien. Ce fut donc à moitié ridicule qu’il retourna vers son collègue…

Pourtant, il avait bel et bien raison : il y avait eu quelqu’un.

Shadow n’avait pas eu de mal à pénétrer dans l’enceinte du bâtiment le plus surveillé de toute la ville. Ses capacités y étaient forcément pour grand-chose. Mais il ne s’était pas mélangé à la foule, il avait choisi un endroit plus… délicat : les conduits d’aération.

C’est sans difficulté qu’il s’engouffra dans le labyrinthe de ces passages pendant cinq bonnes minutes. Il avait eu le temps d’étudier les plans qu’on lui avait fournis, et savait donc exactement où il devait aller. Minutieux et habile, Shadow s’était accoutumé à cette manière de tout planifier à l’avance. C’était sans doute ce qui faisait de lui l’un des criminels les plus recherchés par l’U-Corp.

Il soupira une fois arrivé sur place. Malgré la grille d’aération qui limitait sa vue à de fines lignes, il fut assuré de sa bonne place lorsqu’il vit toute la salle de réception. Il eut du mal à clairement distinguer certaines personnes, mais ce n’était pas grave. De toute façon, sa mission n’était pas pour tout de suite.

L’homme allongé dans le conduit ne retira pas encore la plaque d’aération, et se contenta de secouer calmement ses manches. Des morceaux d’acier en sortirent, en ne faisant presque aucun bruit. Il en ramassa certaines, et commença à assembler ce qui s’apparentait à un canon.

Tout en se faisant, il regarda sa montre. Il était 23h02. Cela lui laissait encore une demi-heure avant de passer à l’action.

19h30. C’est en avance, comme à mon habitude, que j’arrivais à la fête. Ce soir, tout le beau monde et moi-même étions réunis pour fêter le centenaire du Siège. Les journalistes étaient déjà présents.
« Monsieur Kazuto une réponse s’il vous plaît ! »
« Regardez par ici pour la photo monsieur !! »
« Vous auriez le temps pour quelques questions ? »
…

C’est de mon devoir de citoyen d’accepter les différentes demandes. Après avoir répondu à une dizaine de questions et posé pour une quinzaine de photos, je passais enfin la barrière médiatique pour entrer dans le bâtiment.


Il était environ 20h et beaucoup de personnalités étaient déjà arrivées. Le ministre se préparait pour un discours imminent, le serveur passait par-là, j’en profitais pour engloutir un petit four et prendre une coupe de champagne.

Après m’être placé au premier rang des spectateurs du discours de monsieur le ministre, il démarra.
Ce discours m’emplit d’inspiration et de motivation dans mon travail de tous les jours. Je sentis la détermination dans mes yeux se confirmer après chaque mot. À la fin de ce panégyrique envers U-Corp, nous levions tous notre verre en guise d’acceptation.
J’aperçus au loin Irina Adler, une collègue de police, qui semblait chercher quelqu’un vu son regard insistant sur les invités, je lui fis signe, sans succès. Elle ne m’a sûrement pas vu, je ne vais pas insister ; après tout, je ne suis pas là pour provoquer un incident diplomatique.

Je regardais ma montre, il était 22h30. Je décidais donc d’errer dans la salle avec l’espoir d’être abordé par un individu quelconque, du moment qu’il avait de la discussion, car il allait encore falloir tenir une heure et demi.

Une personne dont le visage m’était totalement inconnu vint m’accoster et démarra une conversation sans intérêt sûrement dans l’espoir de nouer quelques liens avec des personnes haut placées comme moi. Le temps filait et pendant notre discussion, je crus entendre un bruit s’apparentant à du mouvement dans une conduite d’aération. Par politesse, je ne le fis pas remarquer et ne coupa pas mon interlocuteur dans son fabuleux discours sur la création des plantes multicolores. Mais après tout la ville est calme depuis quelques jours, trop calme. Et si, justement, quelqu’un s’était concentré tout ce temps sur une opération terroriste datée à ce soir ?

Nous verrons bien, je resterai sur mes gardes sans pour autant prendre de mesures dans l’immédiat.

D’un pas assuré, résonnant parfaitement avec la sérénité par laquelle il avait souri au Comissaire, Mark Bogner s’était installé derrière son comptoir. Face à lui, des dizaines et des dizaines de concitoyens parmi les plus riches, fidèles ou patriotes du Siège. S’il voyait bien à quel point sa côte de popularité était haute, cela lui faisait toujours plaisir de la sentir par ce genre d’évènements. En effet, si la société de l’U-Corp était à peine critiquée pour vouloir avoir le monopole express sur de nombreux domaines comme lors de l’ancien temps, le Président continuait à avoir la côte auprès de l’opinion publique. Et c’était tant mieux.

Bien sûr, le contexte se prêtait à un tel enthousiasme. La guerre était derrière chacun, et voilà cent ans que le Siège avait été fondé pour sauver et faire prospérer l’humanité. C’était forcément autour de ces faits que le discours du PDG de l’U-Corp allait être fait.

« Dans environ vingt minutes, le Siège fêtera ses cent ans d’existence. Ville-état, elle a su apporter à vos familles une vie sereine. Mais ce n’est pas de cette sérénité dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui. Non, je veux simplement vous parler de la vie. »

Derrière Mark Bogner, l’écran géant qui jusque-là avait montré une vue aérienne du Siège changea totalement de ton. D’un grand décor urbain apparut des images chaudes de la guerre. Nul doute que cela faisait référence à la Troisième Guerre mondiale. Le visage de l’orateur ne changeait pas, restant dans quelque-chose de froid, sérieux et digne.

« Mes prédécesseurs n’ont jamais souhaité que le Siège voit le jour. Et moi-même aujourd’hui, je regrette de devoir être le Président de ce qui est la triste conclusion d’une guerre horrible et misérable. Car ne l’oublions pas, notre grande ville n’est pas simplement une question de Ciel Miroir, de protocoles, de murs, de Singuliers ou de Cyborgs. Elle est avant tout un souvenir. »

Les images barbares s’effacèrent progressivement pour laisser apparaître des statistiques en tout genre. Certaines saluaient les maladies autrefois incurables et pourtant aujourd’hui balayées par les chercheurs du Siège ; d’autres se concentraient en graphiques pour illustrer le nombre de personnes sauvées par année ou le nombre de naissances. D’un paysage passé, noir et douloureux, chacun voyait maintenant des choses positives.

« Souvenons-nous de ce pourquoi nous vivons et travaillons ensemble dans notre ville. Sachons raconter à nos enfants comment tous ensemble nous avons redonné un souffle à l’humanité. Sachons… »

Il ne termina pas sa phrase, laissant toutefois le silence se faire supplanter par un bruit strident. Celui d’un coup de feu. Et avec lui, toutes les lumières furent quasiment éteintes.

J'étais plutôt heureux d'avoir gagné ma place dans cette petite fête. Après un travail plutôt compliqué – chasser un homme louche qui rôdait autour de la maison d'une famille aisée – on m'avait offert un invitation pour une fête mondaine ou le PDG de l'U-CORP allait faire une apparition. Arrivé aux alentours de dix-neuf heures quarante-cinq, j'étais passé devant une foule de journalistes qui devaient attendre depuis longtemps. À mon humble avis, ils devaient être là depuis minimum une demie-heure. M'intégrant plutôt facilement à cette ambiance festive, j'attendis vingt heure quinze avant de réellement m'amuser, heure qui correspondait à l'annonce du Ministre George Biggle.

Une fois ceci-fait, je parti en direction de divers banquets dans lesquelles je piochais quelques bouchées apéritives ainsi que quelques cocktails. J'échangeais également banalités sur banalités avec les personnes présentes et il fut bientôt vingt-trois heures trente. Jamais le temps n'avait défilé aussi rapidement de toute ma vie qu'à ce Gala ! Il fallait bien avouer également que je ne faisais pas grande activité à part aider mon prochain et me détendre devant la télévision. Je ramarquais une zone d'agitation et remarquais que le PDG ainsi que son ministre arrivaient tous les deux. Le premier annonça qu'avant le discours de bonne année pour les cents ans du Siège, le président avait un message à faire passer .

Encore un événement qui me faisait douter : je pensais que faire oublier le passé était quelque chose de très mauvais tout comme le fait qu'il n'était pas sage de s'approprier le monopole dans tous les domaines, mais comment ne pas s'émouvoir devant le président de l'U-CORP qui faisait si attention à ces citoyens ? Encore sceptique, je décidais de me rapprocher légèrement de l'estrade pour entendre le discours de la soirée. Le président déclara que dans quelques minutes, le Siège fêtera cent ans d’existences et que la ville-état avait su apporter une vie sereine pour tous.

Il se tut juste assez longtemps pour que le décor derrière lui se transforme en paysage de guerre et de désolation. Puis il reprit comme si de rien n'était, expliquant que ses prédécesseurs n'avaient point souhaité que le Siège voit le jour et qu'aujourd'hui encore, il regrettait de devoir être le président car il aurait préféré que la guerre n'existe pas. Il demanda enfin de ne pas oublier que notre grande ville était un souvenir et non pas une simple question de protocoles, de singuliers et de Cyborgs. Pour ma part, je souffrais de voir cette image. Croyait-il que cela m'amusait de rester enfermer dans une ville alors qu'un monde entier aurait put s'étendre devant moi ?

Le président se tut une nouvelle fois et le décor changea une nouvelle fois afin d'afficher diverses statistiques : maladies anciennement incurables, personnes sauvées, enfnats éduquées, taux de richesses… Alors que je m'offusquais de la comparaison avec l'avant-guerre, les paroles du président me calmèrent, remplies de sagesse : il nous expliqua que nous travaillons ensembles pour notre ville, afin de pouvoir dire à nos enfants que nous avions redonnés un souffle à l'humanité.

Alors que son discours commençait à raisonner en moi et à réellement m'intéresser, un bruit sourd résonna dans toute la salle. J'aurais reconnu ce bruit entre mille : un coup de feu. Mon père disposait de quelques unes de ces armes, bien que je les considérais comme primitive et n'étant pas aussi efficace que les accélérateurs de particules, ni même plus impressionnante.Après un temps qui me parut dérisoire, ce fut au tour des lumières de s'éteindre, plongeant la salle dans le noir.

* Merde ! Une attaque ? Pas question de me laisser faire !*

Tentant de me souvenir de l'agencement de la salle, je me mis à quatre pattes et rampais jusqu'à me cogner dans ce que j'espérais être le pied d'une table. Quelques personnes avaient déjà commencer à ce mouvoir comme je le faisais et cela un peu avant moi, tandis que d'autres ne comprenaient ce qu'il se passait que maintenant et lâchaient des cris effrayés. Qu'il s'agisse de terroriste, de Libéralistes ou encore de catastrophes naturelles, mon père m'avait appris qu'il fallait toujours se protéger lorsque l'on ne pouvait rien faire. Préparé à vivre ce genre de situation, l'inquiétude ne pouvait cependant que prendre possession de mon corps. Caché sous la table, j'attendais qu'un événement se passe, que quelqu'un puisse être distingué. Plongé dans le noir, je ne pouvais faire quoi que ce soit. La sécurité finirait bien par remettre les interrupteurs en marche !

HRP:

Le président m’adressa un simple sourire serein. Était-ce pour me faire comprendre que tout était sous contrôle ou bien il n’avait strictement rien entendu de mes propos ?
Dans le doute et ne sentant pas de danger imminent, je me contentais de rester au premier rang, le dos droit, les oreilles grandes ouvertes et le sourire diplomatique, prêt à écouter le discours de notre énigmatique dirigeant.

Ce discours ne laissait place à aucun moment d’hésitation ou d’improvisation. En effet, la totalité de ce dernier semblait préparée et apprise jusqu’à la dernière note de ponctuation.
Ce sont des paroles emplies de sagesse, illustrées par de magnifiques projections de notre passé, de nos statistiques actuelles et de toutes sortes d’informations diverses qui furent répandues à travers le micro installé sur l’estrade. Un nuage d’inspiration et de détermination se forma au plus profond de mes tripes.

Le discours captivait tout le monde, le seul son que l’on entendait dans la salle était celui des cordes vocales de notre charismatique Président. Lorsque tout à coup, un coup de feu d’une puissance d’un calibre douze – ceux des fusils de chasse du siècle dernier – retenti dans toute la salle. Quelques secondes plus tard, l’endroit était devenu sombre, chaotique.

D’un instinct naturel, mon corps se jeta de lui-même sur Mark Bogner afin de le protéger. Je me doutais bien qu’il se tramait quelque chose de louche, c’était désormais à moi de prendre les mesures nécessaires à la sécurité de tout ce beau monde.
Dégainant mon oreillette de service, je décidais d’appeler les deux seuls lieutenants présents sur les lieux, Irina Adler et India Lowe. Pas de réponse de la première, tant pis, j’allais devoir former un tandem avec la seconde afin de sécuriser toute la salle.

India répondit et me fit part de sa situation : Elle était en plein milieu de la salle, quelqu’un venait de se cogner contre sa jambe. Je lui ordonnais de bloquer toutes les sorties et d’aller chercher le policier Efko, infiltré ce soir en tant que faux cuisinier qui activera le générateur d'électricité de secours.

En escortant le président et le ministre jusque dans un coin de la salle – l’endroit le plus sûr et facilement protégeable possible – je lançais un appel d’urgence à tous les policiers restants au commissariat :

« Alerte code 8 – Bâtiment La Coupole, Salle de reception – N’oubliez pas vos armes et protections, le tireur est dans la nature – A votre arrivée, présentez-vous au lieutenant Lowe en charge des entrées et sorties du bâtiment avec le policier Efko. Ah, j’oubliais, que quelqu’un me ramène mon marteau ! Terminé !»

Il est 23h52, ils devraient rappliquer dans dix minutes.